L’activité didactique de l’École OMNIBUS prend une forme éditoriale avec l’essai de grammaire du mime corporel dramatique de Jean Asselin à partir du corpus didactique d’Étienne Decroux* (1978), le Manifeste pour un corps raisonnable contre le style sincère (1988), ainsi que l’ouvrage en devenir Le corps à l’ère des lumières qui conjugue éthique et esthétique du mime actuel dans un esprit encyclopédique.
LE THÉÂTRE CORPOREL ...
... c’est l’acteur, son jeu, avant d’être investi par la parole. L’acteur est la matière première et substantielle du théâtre par rapport à son accident, la littérature. Avec l’apprentissage des axiomes corporels, l’expérience de la virtuosité et de l’harmonie, l’artiste de scène fait ce qu’il veut, au-delà de ce qu’il peut. Dès lors qu’un véritable langage du corps existe et atteint presqu’au raffinement de la voix humaine, un acteur n’est plus justifié de se comporter de façon insignifiante. L’artiste du corps est conscient de ce qu’il fait quand il choisit de transgresser la parole pour se taire; il cultive le portrait du réel par ses infinies manières d’être et d’agir. Basé sur la vaste théâtrographie de la compagnie, le corpus de l’École s’attache exclusivement à l’ossature du jeu. C’est la pensée de l’interprète qui pousse ou entraîne le corps, et non le contraire.
*ÉTIENNE DECROUX (1898-1991)
Fils spirituel du XVII siècle, son écriture corporelle dramatique brille par la clarté du phrasé et l’inspiration humaniste qu’elle induit. Il questionne les fondements même de l’art théâtral et de sa pratique. Sa carrière, un véritable sacerdoce, est consacrée à la création d’un répertoire théâtral ainsi qu’à l’affinement d’une technique qu’il résume dans un texte mythique, Paroles sur le mime. Ces règles de l’art haussent le mime moderne au rang de genre théâtral. C’est dans des disciplines artistiques les plus diverses que des artistes de renom rendent hommage voire se réclament de leur filiation avec le Maître, sa pensée et sa pédagogie.
Le corps à l'ère des lumières
… les règles de l’art
Pendant ses études puis son assistanat auprès d'Étienne Decroux de1972 à 1977, Jean Asselin a consigné les recherches du maître, l'essentiel de ses connaissances et de son acquis expérimental, une mémoire vive du mime moderne. À défaut d'ADN pour reconstituer cette mémoire, nous l'illustrons et la diffusons dans une forme grammaticale esquissée dès 1974, et qui en résume les règles de l'art. Voici donc la table des matières d'un corpus volumineux à être publié dans un proche avenir sous forme de livre et cédérom.
NOTICE
Les aphorismes en exergue sont extraits de Paroles sur le mime (Éditions Gallimard, 1963), texte fondateur par lequel Decroux postule tant la modernité que l'intemporalité de cet art. Au fil de cette table des matières apparaissent en italiques des expressions typiquement decrouziennes, devenues avec l'usage des termes techniques aussi précis que poétiques. Ces mots trouveront leurs définitions ou équivalences dans un lexique en préparation.
… en préparation
Chacune des dix-sept parties de la grammaire sera éventuellement illustrée soit par une figure extraite du répertoire de la compagnie de création, soit par une nomenclature. La navigation à travers le site permettra éventuellement de remettre le personnage didactique dans le contexte dramatique de la théâtrographie. … seront alors schématisés par des signes graphiques aussi élémentaires et peu nombreux que possible (barres, chiffres, lignes rouges, carrés, flèches, lignes et points jaunes etc.) l'analyse organe-ligne et/ou dynamo-rythmique des mouvements.
Mais dès à présent, un essai de table des matières …
Chapitre 1: Le gros du corps
La hiérarchie des organes d’expression : le corps d’abord, bras et mains ensuite, enfin, visage. Je jure de faire le possible, tout le possible, rien que le possible.
Partie 1: L'articulation des organes en barre
L'esprit est égalitaire et le corps ne l'est pas. Ce qui n'est point mobilisé doit donc être immobilisé. Tout le monde le sait mais il faut le dire. (...) Il faut vouloir ne pas bouger. (...) L'immobilité est un acte et en l'occurrence, passionné.
Image
- Les organes simples et composés sur le plan de la latéralité
- Les organes simples et composés sur le plan de la profondeur
- Les organes simples et composés sur le plan de la rotation
- Les essieux
- Les grues
Partie 2: L'extension corporelle et le jeu en hauteur
La notion, le sens de la verticale est souvent troublé. Ma tête a deux maîtres : le fil à plomb et la ligne moyenne de mon corps. Ils ne sont pas toujours d'accord.
- Les vertébrés, ou annelés en extension
- Les belles courbes
- Les plumes d'autruche
- Figures sur flexion de jambes incluant les figures de piété
- Les asseoiements et relèvements par rapport au sol
Chapitre 2: Le socle, agent d'expression et transporteur du tronc
Le mime typique pourrait tout jouer sur un tonneau. La pensée n'ayant pas de poids ignore l'équilibre précaire.
Partie 1: Racines, jambes et pieds
Le pied est le prolétaire de l'esthétique. Dès qu'on s'abstient de marcher, tout mouvement mène à l'équilibre instable.
- Les racines
- Les jambes
- Les pieds
Partie 2 : Tours et pivots
Le tronc c'est moi, les jambes sont à moi. Presque toujours, l'obéissance à notre esthétique requiert la faculté de se maintenir en équilibre instable. On peut naître avec la grâce ou avec le rythme; non avec l'équilibre.
- Tours
- Pivots
Partie 3 : Transports, pas et déplacements
La production se réduit au déplacement. Charles Gide On peut imaginer des mouvements transportant des immobilités, (…) comme une succession d'attitudes, (…) ce serait un mouvement à odeur d'attitude.
- Transport par jambes sur rail
- Transport par jambes sur cloison
- Avec conservation de la verticalité du bassin
- Avec inclinaison du bassin
- Glissades
- Troisième bras en cours de chute
- Les départs brusques
- Les pas classiques
- Pas et déplacements
Partie 4 : Les marches
La marche ne dit rien parce qu'elle dit trop. On marche un peu comme on respire, pour trouver ce qui manque.
- Les marches sur jambes tendues à l'écart
- Les marches sur jambe fléchie à l'écart
Nomenclature
- La marche sans accent statique
- La marche de base
- La marche du soldat anglais
- La marche arrière du soldat anglais
- La polonaise
- La polonaise arrière en fauteuil moderne
- La marche de Vénus
- La marche de la mi-Vénus
- La marche avant de l'acteur
- La marche arrière de l'acteur
- La marche nuancée
- La marche croisée du soldat anglais
- La marche de Jean-Baptiste
- La marche de la belle dame
- La marche fléchie sans accent statique
- Le Haleur de la Volga
- La marche sur place des petits soldats
- La marche à relais rythmique
- La marche du poète
- La marche en croisé sur jambe fléchie
- La marche avant en chute retardée
- La marche féline avant en chute retardée
- La marche avant en chute retardée sur tronc vertical
- La marche arrière en chute retardée avec tronc incliné rectiligne
- La marche harmonieuse du soldat anglais en croisé
- La marche soldatesque (naturelle)
- La promenade (naturelle)
- Le sportif (naturelle)
- La marche du prétentieux
- La marche naturelle
- Le poids dans la marche
- La marche des campeurs
- La marche en chute du laboureur
- La marche avant inclinée en chute retardée
- La course harmonieuse
- La marche d'Alex
- Madame Belles Aisselles
Chapitre 3: Dynamo-rythme et causalité
La pensée n'est pas condamnée aux deux vitesses terrestres : ralentir ou accélérer. Elle peut choisir la vitesse égalitaire. Le mime peut dire plusieurs choses à la fois.
Partie 1 : Les dynamo-rythmes
Il y en a mille possibles, je veux dire une infinité. La force est invisible.
Nomenclature
- Accélération
- Accent
- Amortissement
- Antenne d'escargot
- Arrêt subit
- Atterrissage différé
- Bi-syllabe
- Canon
- Choc
- Chute
- Coïncidence
- Croches
- Départ imperceptible
- Diphtongue
- Effondrement
- ... en queue
- Évanouissement
- Fondu lent
- Fondu métallique
- Fondu rapide
- Fondu perpétuel
- Fondu vaporeux
- Fondu végétal
- Fondu violon
- Fouet
- Foulée
- Hésitation
- Indéfini
- Inertie
- Initiative
- Isolement d'énergie
- Liaison
- Mollesse
- Ondulation
- Pétrification
- Pieuvre
- Ponctuation
- Pose
- Pression en force
- Promenade
- Propulsion ressort
- Pulsion spasmodique
- Régime
- Répétition
- Résistance (ou refus)
- Ressort spiral
- Retard
- Saccade
- Saut (ou envol)
- Soubresaut
- Soupir
- Statique
- Succession
- Toc butoir
- Toc espagnol
- Trémulation (ou tremblement)
- Vague
- Verge
- Vibration motrice sur place
- Vitesse inégale pour durée égale
Partie 2 : Les causalités
La fixité et le mouvement dialoguent. Dans le doute, abstiens-toi. Douteux conseil.
Nomenclature
- Aquatique
- Barque
- Bâton
- Cale
- Choc
- Contagion
- Conversion
- Crochet
- Électrique
- Ficelle
- Hydraulique
- Nuages
- Plume d'autruche
- Remorqueur
- Résonance
- Spirituelle
- Transfert
Chapitre 4: Actions au contact de ce qui nous entoure
Le mime est une suite d'actions présentes. Il ne produit que présences qui ne sont point signes conventionnels.
Partie 1 : Les mains
Si la main n'est pas héroïque, sa technique est très difficile. Si on le veut. C'est quand les mains sont vides qu'elles dessinent dans l'espace leurs fallacieuses promesses.
Nomenclature
- Symétriques et asymétriques
- Les cinq attitudes de mains symétriques sont: la palette, le trident, la coquille, la salamandre et la marguerite. (illustration à intégrer)
- Les cinq attitudes de mains non symétriques sont: la prise, la désignation, le toucher, l'appréhension et la négligence. (illustration à intégrer)
Partie 2 : Les bras
La proportion entre son poids et sa force favorise le bras. Le geste s'adresse, il n'a pas d'adresse. Je lui préfère l'attitude. Elle, est singulier, il est trop pluriel.
- Formes, transformations, gestes et attitudes
- Les bras dialoguent et s’harmonisent
- Les bras évocateurs
Partie 3 : Actions et figures de politesse
La politesse est belle parce qu'elle n'est pas sincère.
Le faire distrait de l'être. Et il en fait un autre.
- Désignations
- Salutations
- Prises et poses
- Offrandes
Partie 4 : Manipulation d'objets réels ou évoqués
Lorsque le sentiment s'applique à une action concrète, il se prouve mieux. Le mime n'est pas une devinette.
Moule en bosse et moule en creux - Qu'elle soit présente ou absente, l'artiste du corps recourt au double procédé du moule en bosse ou du moule en creux dans l'évocation de la matière. Dans le premier cas, sa personne en tout ou en partie imite, prétend être cette matière, et dans le second, l'objet est suggéré par l'adaptation du corps à ses formes, contours ou dynamisme. Dans l'évocation des espaces du dehors ou du dedans, son art consiste notamment à transmettre la réalité de l'absence et de l'impondérable.
Partie 5 : Les sens et les appétits
Ce que Freud nous fait dire, le mime nous le fait faire.
- Le toucher
- Les antennes d’escargot
- Les caresses
- Les aimentations
- Les frappes
- La vue
- Regards des yeux et de la tête
- L'ouïe
- Boire
Chapitre 5: Styles de jeu
L'esprit part des yeux, le style part des pieds.
La mécanique est sans manière, (...) le style, c'est l'homme.
Partie 1 : L'homme de sport
Le travail est la mesure de l'homme. Le travail manuel est éducateur de la pensée.
- Les contrepoids scolaires - Le contrepoids mécanique est efficace ou il n'est pas. Sa vérité est essentielle. Privé de la résistance de sa contrepartie, le corps du mime transpose cette réalité partielle en une vérité d'aspect. Selon qu'il pousse ou tire, en bas ou en haut, deux principes induisent quatre catégories de contrepoids scolaires : les contrepoids 1) par suppression d'un point d'appui et 2) tomber sur la tête procèdent de la gravité terrestre (force gratuite et constante), alors que 3) les sissonnes et 4) les cardeuses procèdent de la biomécanique des innombrables leviers du corps humain.
- Isolement d'énergie
- Les contrepoids pistons
- Les contrepoids sportifs
- Les contrepoids métiers
Partie 2 : L'homme de salon
On reconnaît l'homme civilisé à ce qu'il n'est ni menacé, ni menaçant. Pyramide sur sa pointe.
- Les dessins composés de tête
- Les dessins composés de buste
- Études de compositions dans le style de l'homme de salon
Partie 3 : Statuaire mobile
Notre pensée nous pince et notre corps, sculpté de l'intérieur, se plie. Le mime est à la fois statuaire et statue. Dans l'espace, il faut fixer imaginairement des lignes jugées idéales. Ce sont les rues de l'espace, (...) occupées ou parcourues.
- Statuaire mobile sur le plan de la latéralité
- Statuaire mobile sur le plan de la profondeur
- Statuaire mobile sur le plan de la rotation
- Statuaire mobile en trois dimensions
Partie 4 : Mime de songe
Pour faire le portrait d'un songe où la logique garde ses droits dans le silence, il faut inventer nombre d'artifices.
Du point de vue stylistique, l'unité dynamique dans la pluralité du dessin y exprime le songe.